Mercredi 16 juin, J35. 84km, D+910
Plein d’iode dans le sang, et de soleil dans la peau, nous repartons de Batz-sur-Mer vers le nord, pour traverser le Parc Naturel Régional du Brière.
On pédale entre les petits villages aux maisons en pierre brune de schiste et de toits d’ardoise, ça devient de plus en plus typique et l’apothéose arrive dans le petit village de Saint Lyphar, où nous voyons de belles longères typiques bretonnes avec des toits en chaume. On se croirait dans Astérix et Obélix, on s’attend à tout coin de rue à croiser Odralphabétix qui envoie son poisson dans la tête de Cétautomatix. Au lieu de ça, on croise un couvreur qui est en train de rénover un toit en chaume.
On s’arrête stupéfaits pour discuter avec lui, son travail a l’air hyper minutieux. Il nous explique qu’il met 8 semaines pour rénover un seul pan de toit! Au pied de la maison, des bottes de tiges de roseaux toutes neuves attendent d’être posées, et le couvreur nous explique qu’elles viennent de… Camargue! Comme, selon lui, une très grande partie des toits en chaume de la région, car celle-ci ne produit pas assez pour couvrir les besoins des toits bretons.
On pensait que ça continuerait ainsi mais sortis de ce village, même si les maisons restent typiques en pierre, on ne verra plus de toit en chaume.
On guette notre panneau de la Bretagne. On voit de plus en plus de drapeaux bretons, le temps s’humidifie et tel le célèbre film, on dépasse à peine le panneau Morbihan, que la pluie se met à tomber. Véridique, ce n’est pas une exagération de sudiste.
Morbihan!!! On est en Bretagne !!
Objectif atteint!!! Bon, d’accord, on n’est pas au Finistère, mais c’est quand même une première étape de franchie.
On est super content, comme un truc enfin accompli, les enfants sont en extase eux aussi. Et tant pis si il pleut, ça fait partie du folklore!!
On continue à pédaler jusqu’à la ville la plus proche : Redon. Elle est traversée par l’Ille et Vilaine (qui fait la limite de département et de région) et par le canal qui va de Nantes à Brest, qui nous a souvent été recommandé par des cyclotouristes.
A Redon, on admire l’immense cathédrale, puis on se précipite dans une boutique pour y acheter nos trophées : des drapeaux bretons que nous fixerons à nos vélos!
Et un bol, bien sûr, parce que c’est aussi l’objectif du voyage.
Mais c’est quoi cette histoire de bols, d’ailleurs?
A la maison, nous avons 5 bols prénoms, de 2 provenances différentes. Ceux qui viennent de Quimper sont hyper solides. Utilisés tous les jours, ils ne bronchent pas.
Ceux qui viennent de Pornic, les 3 autres, sont beaucoup plus fragiles, les oreilles sont ébréchées voir cassées, ils sont fendus et on en est déjà au deuxième pour chacun des prénoms.
Alors on a décidé de se rendre direct à la source pour acheter des vrais bols bretons solides.
On voulait aller dans une faïencerie recommandée par des bretons, mais au final on ne pourra pas, car elles sont plus loin en Bretagne, côté Finistère, et pour l’instant on n’a pas trouvé de discours qui fasse l’unanimité sur UNE faïencerie en particulier.
Pour le fun, on a donc acheté un bol avec écrit « Redon », parce que quand même, on se l’est bien mérité!!!
Mais on garde ce projet pour plus tard.
Car on ne va pas se mentir, on sait qu’on ne pourra pas aller plus loin en Bretagne. Notre objectif était le Finistère, si on voulait on pourrait y aller en 3 jours, mais on ne profiterait pas. On est coincé par le timing, Lionel travaille début juillet, il faut entamer le chemin retour.
Toutes les personnes qu’on a rencontrées, sans exception, nous ont vanté les beautés de la Bretagne. Alors on ne veut pas gâcher sa visite, on veut en profiter, on veut l’honorer, on veut l’explorer. On se promet qu’on reviendra.
On met le cap pour une ville proche, elle aussi chaudement recommandée par nos rencontres : La Gacilly. Et c’est donc avec nos drapeaux bretons flottants au vent qu’on emprunte le fameux canal de Nantes à Brest. Mais ce sera de courte durée : en moins de 10mn, les enfants se plaignent, sans se consulter, l’un après l’autre, de la monotonie du trajet. Eliot a dit : « Pfff c’est nul le canal, on ne voit qu’un canal d’eau, un chemin et 10000 bancs!! ». Et sans les consulter, Lionel sort du canal et là, nous réalisons que nous avions tous le même sentiment!
Nous reprenons les petites routes et traversons les petits villages, observons l’architecture des maisons (des pierres brunes, toits gris pentus et volets bleus), les fleurs dans les jardins (rosiers et hortensias!), et nous saluons les riverains. C’est quand même plus sympa que le canal!
Nous arrivons à la Gacilly, et une surprise nous y attend : un festival immense de photos immenses, disséminées à travers toute la ville, c’est magnifique!
Déjà la ville en elle-même est vraiment mignonnette avec ses artisans d’art et le canal fleuri qui la traverse, mais là c’est top. Et on découvre que cette ville est également célèbre car c’est le berceau d’Yves Rocher, et que l’entreprise y est implantée depuis plus de 50 ans.
Pour passer la nuit pluvieuse, on a réservé une tente lodge dans un camping. Et on a bien fait car à peine on a posé les vélos sur la terrasse abritée qu’un rideau de pluie s’abat sur nous.
Dès que ça se calme, on file visiter la ville, et l’expo photo. Il y en a partout, des géantes et des moins grandes mais quand même très grandes, dans les parcs, dans les rues, dans les champs. C’est surprenant et superbe. Il y a des thèmes par quartiers, le froid, le réchauffement climatique, les oiseaux, les trompe-l’œil, les rêves… On se régale.
Et on décide, parce que c’est the spécial day, que ce soir c’est resto, et bien sûr une crêperie!!
(ou comment terminer la soirée en beauté!)
Jeudi 17 juin, J36. 44km, D+330m
La pluie est prévue jusqu’à midi, alors on va visiter le musée Yves Rocher. On apprend plein de trucs sur le bonhomme et sa petite entreprise devenue grande, mais ce qui a retenu notre attention, c’est le fait que malgré sa renommée internationale, il a conservé le siège social, les laboratoires, les différentes usines de fabrication et la culture de toutes ses fleurs et plantes dans sa ville de naissance, La Gacilly. D’ailleurs, pour en avoir discuté avec des gens du coin, les locaux sont plutôt content de cette situation.
En partant, on s’arrête visiter le jardin botanique de la marque où une très large variété de fleurs y est cultivée, et on aperçoit au loin les immenses champs de plantation. C’est super beau à voir.
On repart en début d’après-midi vers Bain-de-Bretagne : nous roulons avec plaisir sur les routes bretonnes, petites maisons en pierres, hortensias, volets bleus, et vaches, vaches et vaches.
Le roulage est toujours très appréciable, on s’arrête en quête de spécialités dans les petites boucheries perdues (ce sera de la saucisse fumée!).
On surveille aussi les nuages, et on arrive à temps chez Thérèse et Paul, les parents de notre amie Cath, qui nous attendaient de pied ferme. On est reçu comme des rois, les enfants sont super contents de voir la maison des grands-parents de leurs supers copains Anaïs et Raphaël, et veulent tout voir, du méga atelier de menuisier de Paul à la visite complète du camping-car, les chambres des copains et les photos de vacances.
On a droit à un délicieux repas breton de crêpes super-complètes, et la spécialité : une saucisse roulée dans une galette.
Encore une chouette soirée!! On est vraiment chanceux.
Vendredi 18 juin, J37. 62km, D+700m
Ce matin, un petit déjeuner festif nous accueille, puis pendant que Manon va faire un réglage d’urgence chez le dentiste, Lionel fait la révision des vélos et les enfants profitent des grands-parents en regardant des vieilles diapos sur le zoo de la Palmyre.
Mais en fin de matinée, c’est le craquage des enfants. Les petites disputes habituelles se transforment en drame, et Eliot fond dans un gros chagrin : il veut rentrer à la maison, tout de suite. Anaïs également a les nerfs à vif, elle s’emporte pour une broutille dans une rivière de larmes.
On console le petit monde, et on essaie de comprendre : est-ce que c’est parce qu’on a enfin atteint notre but, la Bretagne, que le moral des enfants se relâche? Ils attendaient ça avec impatience, étaient même déçus lorsqu’on a vaguement évoqué le fait de la squeezer par manque de temps (on a bien fait de ne pas retenir cette idée!).
Est-ce que c’est parce que, en étant chez les grands parents des meilleurs copains, ils se sentent proches de la maison et ils réalisent qu’elle leur manque (et les copains aussi)?
En tout cas, on sent qu’il va falloir ne pas négliger le moral des troupes en s’engageant sur le chemin du retour.
Chez Thérèse et Paul, on laisse notre dernier petit pommier. On pose une pierre dans le jardin, et on se promet qu’on viendra rapidement la récupérer pour l’emmener faire le tour de la Bretagne, et visiter une faïencerie de bols bretons.
On reprend la route, et cette fois-ci c’est direction la maison.
1000 autres km nous attendent, 1000 autres promesses.
On repart le long d’une voie verte magnifique dans des petits bois. Puis dans la traversée de nos petits villages, sous le ciel gris (inutile d’ailleurs de préciser qu’il a plu toute la nuit!), dans les collines de cultures et de vaches. A un embranchement, nous nous retrouvons face à deux directions : à gauche, Tresboeuf, et à droite, Soulvache. Véridique. Ça donne le ton…
(On a pris à droite!)
Les petites routes sont super agréables. C’est assez vallonné! On ne s’attendait pas à ça. Du coup on voit loin, et c’est encore des champs. Et des vaches.
Et de la fumée. Un feu de nettoyage, mal éteint, avec des belles flammes, près d’un champ de blé bien mûr, donc plutôt sec. Réflexe de sudiste, on appelle les pompiers. Ils arrivent vite (Eliot est ravi !), éteignent le feu, nous disent qu’on a bien fait. En même temps, nous, on se demande : c’est quand même bien humide comme région, le ciel est encore gris et menaçant, ça ne peut pas flamber si vite que chez nous? On ne veut pas vérifier, en fait!
On poursuit nos coups de pédales entre les champs de vaches, puis en fin d’après-midi on sort de la Bretagne pour entrer dans le Pays de Loire à nouveau (la Mayenne) et nous nous arrêtons dans un camping à la ferme où nous avons loué un bungalow pour la nuit, car la météo annonce encore (encore!) de la pluie.
Nous sommes accueillis à la Viotterie par une super famille, souriante et chaleureuse, avec pleins d’enfants (ils sont aussi famille d’accueil). C’est un vrai plaisir que de grignoter les cerises du jardin ensemble, jouer aux foot ou blaguer avec les grands, et se baigner dans la piscine chauffée (un peu tard le soir car on n’a pas vu l’heure passer!!).
Le temps est tout pourri à l’extérieur, mais nous partageons un vrai moment chaleureux. Merci Julie et toute la famille!